Dans le village de Canjavu, situé à 45 kilomètres de Bukavu, Province du Sud Kivu, l’esprit d’entreprise spirituelle et sociale est en pleine expansion. Avec les nouvelles mesures découlant de la crise sanitaire (fermetures des écoles, …) les activités intenses avec l’apprentissage du tissage des paniers, le développement de l’agriculture, la formation en menuiserie et en pâtisserie misent toutes sur le renfort des capacités des habitants du village.
Un habitant actif dans la construction communautaire de son village raconte : « Sur le plan économique, la crise sanitaire ne nous fait pas peur car depuis un certain temps, nous nous investissons dans l’éducation en action pour accompagner nos ressources humaines. Auparavant, les activités d’encadrement des enfants, des pré-jeunes et des jeunes-adultes étaient sujettes à essoufflement au fil du temps. Nous avions remarqué que malgré l’investissement sincère des encadreurs, ceux-ci devaient à un moment donné s’en aller vers les carrés miniers pour contribuer aux besoins matériels de leur famille. Aujourd’hui, dans notre village nous avons près de 3 700 âmes sur 3920 qui s’impliquent dans les activités de construction communautaire de manière durable. Cela découle de la consultation entre les acteurs du village qui se dévouent dans une vision de construction de l’unité. Dans notre village, Catholiques, Protestants et Baha’is (près de 500 âmes) se soutiennent sans que les préjugés ne soient un obstacle entre eux : on travaille ensemble, on se forme ensemble, on prie ensemble ! »
La Fondation Mutijima est une association d’inspiration baha’ie qui œuvre dans la fabrication de jus de betteraves et d’ananas. Elle utilise le chlore pour désinfecter les bouteilles. En collaboration avec les acteurs de différentes familles, ils ont mis sur pied la distribution d’une quantité de réserve de chlore par famille. La volonté est de renforcer la pratique des gestes barrières et les mesures d’hygiène pur maintenir son environnement propre. Sur les 700 familles du village, 350 familles ont déjà été visitées. Une petite quantité de chlore diluée dans de l’eau selon des proportions données, après un temps de repos, sera utilisable pour répondre aux mesures d’hygiène recommandées pour notamment le lavage des surfaces.
Dans le même temps, 10 membres du personnel de l’école communautaire d’inspiration baha’ie Muzusangabo ont démarré la formation du tissage des paniers grâce au dévouement d’amis qui ont la connaissance des techniques du tissage. Le directeur de l’école explique : « L’économie de l’école communautaire est entre les mains des parents car elle est privée. Nous accueillons 98 élèves. Malgré la fermeture des lieux, de la consultation a jailli la volonté de contribuer à la croissance de l’école en développant une activité économique par le produit de la vente des paniers tissés par nos enseignants. Nous avons investi dans l’achat des matériaux de fabrication, après 3 jours de formation nous avions la technique. Après 15 jours de pratiques, nous avons mis en vente 60 paniers, en répondant aux commandes de nos clients. Nous apprenons à réinvestir pour augmenter nos mises de départ et notre production finale. Nos bénéfices seront utilisés pour soutenir les besoins de l’école et du personnel. »
A Canjavu, l’agriculture est une activité prioritaire. L’agence d’inspiration baha’ie « Erfan », mot qui signifie connaissance en langue farsi, offre un encadrement de renforcement de connaissance et de techniques pour venir en soutien au processus de construction communautaire. Il y a 3 ans, un programme d’éducation en action a été impulsé. Avec l’aide du Chef de la localité et de l’Assemblée Spirituelle locale qui est l’institution élue pour représenter les baha’is du village, 25 habitants du village dans un premier temps puis 20 supplémentaires dans un second temps, ont été ciblés pour être formés comme Promoteurs du bien-être communautaire (PBC). Cet accompagnement s’est fait sur une durée de 2 ans. Ces 45 PBC ont expérimenté deux modules dont « Semer les cultures vivrières » et « Parcelles diversifiées à haut rendement » du programme de Préparation pour l’Action Sociale (PAS). Cette dynamique produit des résultats fort encourageants !
Maintenant, en pleine période de crise sanitaire, ces 45 personnes formées accompagnent 100 familles. Chacun d’eux travaille étroitement avec trois familles. Les personnes formées délivrent à leur tour une formation pratique dans le champ d’apprentissage afin d’intérioriser le programme qui cible la polyculture avec le manioc, les haricots, la patate douce, le soja, l’amarante, le sorgho, le maïs entre autres. Le module leur apprend les cultures qui peuvent être associées de celles qui ne le peuvent pas ; le respect des normes scientifiques ainsi que la distance à respecter entre les cultures.
Il est un fait que la culture vivrière diversifiée rehausse le niveau économique du village car cette technologie impulse une croissance dans ce secteur puisqu’il se crée en permanence une production à récolter sur un même espace géographique. Un autre impact est celui sur la santé et le respect de l’environnement. Pour choisir ce qui sera semé, on prend en compte les éléments nutritionnels des aliments et pour permettre que le sol offre une qualité permanente, on met en place la production d’engrais organiques locaux.
Un habitant du village renchérit : « À Canjavu, durant cette crise sanitaire, on n’a pas peur de manquer de nourriture car alors que nous sommes en train de planter, au même moment nous sommes en train de profiter de la récolte des semailles précédentes. De plus, avec la fermeture des écoles, nos jeunes adolescents encadrés par le programme spécifique des 12-15 ans, apprennent à servir leur communauté. Ils préparent leurs petits champs pour aider leur famille. Ils cultivent les amarantes dont les feuilles sont excellentes pour la santé. »
Dans le village de Canjavu, le flux des activités est d’une grande intensité. En effet un important processus éducatif visant à libérer les potentialités de chaque membre et à renforcer les capacités individuelles et collectives y est déployé. Six cents activités sont organisées à l’intention des personnes de tous âges (enfants, adolescents, jeunes et adultes. Toute cette dynamique humaine qui a démarrée depuis 17 ans, a depuis près de deux ans un impact économique qui a été impulsé pour subvenir aux besoins matériels. « Nous nous sommes organisés pour que les besoins de subsistances soient comblés de telle sorte que nous puissions accompagner l’ensemble des activités d’apprentissages de manière durable sans éprouver le besoin de partir ailleurs pour trouver de quoi survivre », a déclaré un autre habitant de Canjavu.
Enfin, pour respecter les mesures de distanciation sociale en période de crise sanitaire, les protagonistes réfléchissent comment mettre en place d’autres modes de gestion dans l’accompagnement de leurs activités. Par exemple, ils s’inspirent eux aussi de leurs frères et sœurs qui expérimentent dans d’autres endroits en RDC les réunions de prières en rotation. A chaque réunion, un nouvel espace d’accueil pour que le nombre des participants ne dépassent pas 6 personnes, respecte la distanciation sociale et pour qu’aussi la force de la prière collective reste active et se consolide en esprit.
Le directeur de l’école communautaire nous explique encore : « L’esprit d’unité du village de Canjavu attire les villages voisins qui veulent aussi apprendre. Les gens voient comment les maux actuels accablent l’humanité. Ils ressentent que c’est le moment de rejoindre toute entreprise humaine qui cherche à agir dans la Lumière de l’Unité ! »